Alger "La toussaint rouge".

Alger : 1er novembre 1954 : « La Toussaint rouge ».

Au Caire, «  la voix des Arabes », dans son communiqué du 1er novembre 1954 annonce : « la lutte grandiose pour la liberté, l’arabisme et l’Islam a commencé ». Des 9 chefs de la vague terroriste en Algérie, 3 sont au Caire. On  est loin de l’idéale démocratie multiconfessionnelle et multiethnique ! Mais dans ce genre de méprise, l’Histoire  radote souvent !
                   
 Plan concerté, à la même heure, sur tout le territoire, pour alerter l’opinion. Nous l’ignorions, ne l’avions pas compris. L’opinion internationale sera plus vite alertée que nous et la France toujours condamnée à l’O.N.U.

 1er novembre 1954 : « La Toussaint rouge ».
Dans la nuit du 31 octobre au 1er Novembre 1954, le F.L.N. revendiqua 70 attentats sur le territoire algérien qui firent 8 morts mais pas de très gros dégâts. Nous n’étions pas vraiment inquiets. Le « sens de l’histoire » ne s’est pas vite imposé à nous. Et pourtant le F.L.N. avait proclamé son but : « indépendance nationale par la restauration d’un état algérien démocratique et social dans le cadre des principes islamiques ». "restauration"? l'état algérien n'avait jamais existé  "instauration" plutôt.
 Et, dans le monde entier, il était encouragé, soutenu, aidé par généreuse conviction anticolonialiste, engagement démocratique ou marxiste, solidarité arabe, fraternité  islamique ou simplement intérêt économique ou stratégique. Pierre Mendès France avait beau clamer : « ici c’est la France ! » Sa voix se perdait dans le désert des opinions et des gouvernements de toutes les nations.   Nous, inconscients, ignorions ou avions occulté les émeutes meurtrières de Sétif, Constantine et Guelma en 1945 et les représailles qui firent des milliers de victimes. Prémisses pourtant de la crise qui éclatait et était prévisible. « La paix pour 10 ans ! ». La sinistre prophétie du Général Duval  se réalisait. « Il ne faut pas se leurrer, tout doit changer en Algérie » disait-il.
Nov 54 le car
                                                                                                       Document  1954

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                                                                                                                         Photo Avril 2017

Monnerot le jeune coupleLe 1er Novembre, jour de la Toussaint, dans le Constantinois, sur une route de l’Aurès, région montagneuse, berceau de la révolte, deux jeunes instituteurs auxiliaires de 21 et 23 ans, Guy Monnerot et sa jeune femme, qui avaient rejoint depuis 3 semaines à peine, de Métropole en Algérie, leur poste pour l’année scolaire, tombèrent dans une embuscade. Profitant du weekend de la Toussaint, invités par des collègues, ils se rendaient en car à Tiffeltel, une mechta du Sud entre Biskra et Arris.
A un barrage de pierres placées en travers de la route, des terroristes les firent descendre du car avec le Caïd de M’Chounèche, Hadj Sadock qui s’était interposé.
-« Viens, toi ! »
-« Venez, vous aussi ! »
-« Vous n’avez pas honte ? s’écrie Hadj Sadock. Ce sont des enfants, des instituteurs français qui viennent pour nous aider ».
Sur un geste du Caïd qui était armé, les trois furent abattus par la même rafale. Les deux jeunes gens abandonnés blessés sur le bord de la route, dans les graviers à 7 h 40 du matin. Les secours n’arriveront qu’à midi. Trop tard pour Guy Monnerot !

Grièvement blessé le Caïd fut transporté dans le car qui redémarra : « on ne laisse pas un Musulman mourir comme un chien ! » Il décèdera à l’hôpital.
Voilà le tragique, sordide attentat qui s’était déroulé dans les gorges sauvages de Tighanimine, au km 79, dans les Aurès, et qui nous avait bouleversés. Mais, ce jour-là, nous n’avons pas compris la portée politique de cette rébellion. Il s’agissait  de bombes artisanales, mais d’un plan concerté, d’une action déclenchée à la même heure sur tout le territoire, pour alerter l’opinion. Or on parla peu des bombes rudimentaires, des incendies, des coups de feu sur des postes militaires ou de gendarmerie, des poteaux téléphoniques abattus et même des 5 autres malheureuses victimes.

Tout bascula 10 mois plus tard, le 20 Août 1955. Nous avions pris, Josiane et moi, le bateau pour Marseille et avons passé un mois et demi dans la campagne normande, à Paris  puis Vichy où nous avons rencontré le Glaoui en  déshérence (il décèdera le 13 janvier 1956), avec notre père préoccupé par la situation au Maroc où il vivait toujours et d’où, fonctionnaire français, il se préparait à partir.
Et nous avons ignoré les tueries du Maroc, de Constantine et sa région d’Août 1955. Sur un plan privé, cette ignorance a conforté une rupture déjà engagée. On  m’a reproché plus tard de n’avoir pas pris de nouvelles à ce moment-là. Peu de journaux en vacances, pas de télévision, accès difficile au téléphone, censure des images et les attentats se succédant partout, nous étions très mal informés, surtout si loin. A l’ère des medias envahissants, du T.G.V., de la télévision, du téléphone portable et d’Internet difficile à concevoir !
 

 
Références : Yves Courrière : La guerre d’Algérie. Fayard. Edition 2001.

     Tagith 3
       Photos prises par Pierre Charles Sonigo  en Avril 2017.

        Le memorial taghit     
         Monument commémoratif. Moi je n’ai qu’ une pensée émue pour le très jeune couple, victimes innocentes, à cet endroit, du terrorisme aveugle.

   

 

 

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