1931-1935 LES MELKI A TLEMCEN.

Constantine- Tlemcen : 944 km
Pourquoi Tlemcen ? S’étonne Pascale.
A cause  du « Jeudi Noir », le 24 Octobre 1929, le Krach à Wall-Street, la Bourse de New-York. 30% de chute en un jour. Après la crise boursière, la crise économique d’abord américaine puis mondiale. La crise de 1929.
Mon grand-père Alfred Fredj Haïm Melki, prospère commerçant en gros de tissus indigènes à Constantine, sa ville natale, en est une des victimes.
En 1928, à la naissance de Paul, la famille avait quitté l’appartement du 2 rue Thiers, abandonné avec tous ses meubles à la tante Bellara, la jeune sœur de grand-père.
Grand-père avait acheté une villa dans le faubourg d’El Kantara (le pont, en arabe). Eugène évoquait avec nostalgie le grand jardin de son enfance où il avait son petit potager.
 Dans cette villa « Les Glycines », au 2 Avenue Guynemer, la famille a connu un temps une vie aisée. Buick avec un chauffeur, Mr Saksik. Grand-père n’a jamais conduit qu’une seule fois. Le jour de la livraison, il s’est empêtré dans une ornière d’où l’a sorti Mr Saksik. Il a définitivement renoncé !
 Quand on achetait une auto l’octroi du permis de conduire était automatique, sans formalité, sans apprentissage.
Deux servantes : Julie, une Juive, et Fatima, une arabe. Meubles en chêne massif abandonnés au moment de l’exode définitif en 1957, comme le piano Pleyel offert à ma mère à 15 ans pour son anniversaire le 8 Mars 1928, argenterie…

En 1928 pour la Bar Mitsva de Maurice, grand-père avait commandé le champagne Kacher en Palestine… L’oncle Lazare offrit à Maurice un bourricot ! Ce fut une grande fête à la villa ! La dernière !

Grand- père était assidu à la grande Synagogue de Constantine, « le temple algérois », que fréquentaient les Juifs aisés et instruits, les « étrangers » disait le petit peuple qui, d’après Robert Attal, parlait « d’église déguisée » à cause de ses verrières colorées, de son Chemech, le bedeau avec bicorne et hallebarde, les jours de grande cérémonie, et de la devise tirée des Prophètes (Isaïe) inscrite sur son fronton : « Car ma Maison sera l’oratoire de tous les peuples » .
Hélas ! Cette synagogue, située Place Négrier dans le quartier arabe, a été détruite après l’Indépendance de l’Algérie, rasée pour laisser place à un parking !
Grand-père avait la réputation d’un « haham », un sage érudit, et on lui a confié un poste de Directeur du Talmud Thora qui devait être créé à Tlemcen à 944km de Constantine.
Grand-père, après sa faillite, a tout abandonné pour ce modeste emploi et tâche difficile.  

Voyage en train de Constantine à Tlemcen : 944km.
Paul raconte que Yolande voulant la place près de la fenêtre qu’il occupait, lui dit : «  laisse-moi ta place pour que je puisse te raconter ». Au bout d’un moment Paul impatient : « alors tu racontes ? »Yolande : « Ya rien à raconter ! »
Paul, révolté, s’en souvient encore 70 ans après pour en rire

Constantine.  El kroub.  Telerma.  Chateaudun du Rhumel.  Saint-Arnaud. Sétif. Bordj-Bou-Areridj.  Alger.  Orléanville.  Oran.  Tlemcen. 
 

LE GRAND BASSIN ET LE COLLEGE DE SLANE  la famille Melki à Tlemcen

A Tlemcen la famille Melki s’est installée au 1er  étage d’une petite maison dont le rez-de-chaussée était occupé par une autre famille, près du Grand Bassin. Ce Grand Bassin dont l’histoire ou la légende rapporte d’horribles tragédies : massacres, noyades  collectives etc. avant son assèchement.
Le Grand Bassin, désormais asséché,  offrait d’immenses terrains de jeux où se déroulaient des matches de foot.  Mon oncle Paul se souvient encore des arbres en fleur au printemps et, à l’automne des cueillettes de noix sur les noyers qui entouraient le Grand Bassin.
Et c’est ainsi que le sort a épargné à la famille Melki  les massacres dans le quartier juif de Constantine en Août 1934.
Dès le Printemps 1935,  la famille revint pourtant à Constantine.

  LE COLLEGE DE SLANE  en 1905

    College de slane 1

 Ma tante Yolande née le 1er mai 1919 se souvient avoir été scolarisée de 1931 en 6ème jusqu’au 2ème trimestre de seconde en 1935 au Collège de Slane où Josiane et moi avons fait nos études secondaires de 1948 à 1952.
Elle se souvient de « Fou-Tcheou », professeur d’histoire et géographie au Collège. Dans les années 1950, il était à la retraite et partageait le logement de fonction de sa femme, Mme Martin, Directrice du Collège de filles dit «E.P.S. » où Josiane et moi étions pensionnaires.
Nous apercevions  une longue silhouette anguleuse à grosses  lunettes et couvre-chef en feutre se glissant dans le couloir qui menait de son appartement aux escaliers vers la sortie du Collège où il enfourchait encore sa bicyclette, je crois. Mr Martin, dont nous respections  l’épouse était pour tous les potaches, depuis des générations,  « Fou-Tcheou ».
J’ai appris récemment dans un document sur Tlemcen que Mme Martin, qui enseignait l’anglais, a donné en privé des cours aux élèves  juifs expulsés des établissements  publics, en Algérie, par les  lois infâmes de Vichy. Elle a aussi assisté à la distribution des prix organisée dans l’école privée improvisée pour accueillir les enfants juifs. C’était un acte de résistance  et d’une grande dignité. Je lui rends hommage ! Je rends également hommage à son mari qui, je l’ai appris récemment, manifesta son refus du gouvernement de Vichy, en restant ostensiblement enfermé dans sa classe pendant la cérémonie du lever des couleurs instaurée par Pétain.
Mme Martin était une grande femme châtain clair aux yeux bleus qui, je pense, se composait un air sévère comme il convenait, à l’époque, au chef d’un grand établissement scolaire. Je lui ai écrit au début de mes études supérieures à Alger. Elle répondait en signant « votre alma mater » et elle est même venue me voir au 13 rue Fourchault  à Alger.
Ma mère embarrassée, à cause de notre installation sommaire, a acheté,  pour l’occasion, une petite théière anglaise que je conserve toujours en souvenir de mes années de pension et de Mme Martin.

 College de slane 2

 


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      1952 dernière distibution des prix pour nous. Dernière année de pension à Tlemcen où nous n'aurons plus jamais l'occasion de revenir, ma soeur Josiane et moi. Au second plan on distingue ma mère et mon oncle Maurice tout sourire vers l'objectif. Ils arrivaient de Constantine en auto avec Zidane , le chauffeur du magasin 4 rue Casanova, pour nous ramener définitivement avec toutes nos affaires après 4 années de pension. Je continuerai ensuite mes études à Alger et Josiane finira les siennes à Constantine puis Alger.

 
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E.P.S.  la pension de jeunes filles.

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  L'intérieur. La cour avec quelques camarades, Mireille, Lydie, Yasmina, Colette Cohen au tragique destin...    Les lavabos individuels. je suis au 1er plan. Henriette Martin futur auteur du superbe livre de souvenirs  chez L'Harmatan : "Les escaliers de beni Saf", juste derrière moi avec son gant de toilette sur le visage.
          


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Classe de 1ère 1951 avec Mr Forrado professeur d'histoire et géographie. Quelle belle jeunesse mêlée arabo-berbères, juifs et chrétiens ! Trop ont aujourd'hui disparu depuis longtemps déjà : Jean C. Pierrot B. Joseph B. Jean-P. M  et tant d'autres dont je ne connais pas le destin.

 

 

Commentaires

  • BONNAFOUS  Philippe
    • 1. BONNAFOUS Philippe Le 18/03/2022
    En 1951, j’étais en cinquième (ou sixième). J’habitais au deuxième étage du collège. Mon père était un surveillant général ‘ donc, logement de fonction obligatoire.
    Le principal s’appelait: Jocelin et sa fille était prof d’histoire géo.
    Ma mère est au premier plan(robe foncée) en compagnie de mme Jocelin, à sa droite.
    • claudesicsic
      • claudesicsicLe 19/03/2022
      je me souviens très bien de Mr Bonnafous, du proviseur Mr Jocelin et de sa fille Melle Jocelin. Je ne garde que de bons souvenirs de cette époque et de ceux que vous citez.
  • tlemcenien
    • 2. tlemcenien Le 04/03/2021
    bonjour,
    je me suis retrouvé, aujourd'hui dans cette endroit "34.884946, -1.316735" ( mettez ces chiffres sur google) à Tlemcen, et dans une certaine salle, assez grande, je suis tombé sur des vitraux ! parfois signés, j'ai oublié les noms, mais sur d'autres il était écrit " ... souvenir des pensionnaire" ou "des élèves du pensionnat"
    avez vous des infos
  • zinou
    • 3. zinou Le 16/03/2016
    merci

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