2014 Zina, mon guide, mon amie.

Zina

    
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      Zina en prière
                                                   
 Zina n'est pas bigote. Elle a la foi, celle qui donne la force de se résigner. Son mari, Kamel, un grand bel homme cultivé que j'ai connu à Paris où ils venaient en touristes, professeur de français, est mort foudroyé par une crise cardiaque à 47 ans le matin du 1er janvier 2000. La veille, il lui avait demandé de lui pardonner. Distraite, sans savoir quoi exactement, elle avait répondu oui. Elle l'a retrouvé terrassé sur le carrelage de la cuisine. Elle ne se plaint pas de sa solitude, de ses difficultés, elle le plaint de n'avoir pas vu grandir ses enfants et de ne pas connaître ses petits- enfants. Elle a perdu aussi son premier petit- fils et connu bien d'autres coups du sort mais, toujours réservée et discrète, elle dit seulement : "ma mère me manque beaucoup".
 Je ne connaissais pas cette ample tenue de prière en coton blanc. J'ai été effrayée le premier jour quand j'ai surpris cette forme  blanche accroupie sur un tapis dans un coin obscur du hall d'entrée. Je n'étais pas prévenue. Ratiba, l'épouse de Mehdi revêt, pour prier, la même tenue. Zina accomplit le rituel des prières mais pas 5 fois ni à 5 heures du matin "on a le droit de les regrouper, dit-elle, c'est pas grave ! ". Mais elle m'a regardée effarée et peut-être même un peu dégoûtée quand j'ai un jour dit qu'il m'arrivait de manger du jambon. Elle me sait juive, bien sûr
 Elle est intelligente, humaine, incapable de fanatisme ou d'ostracisme. Le jour où quelqu'un lui a reproché d'aller "chez des juifs", ( oui ! toujours cet antisémitisme viscéral atavique !) elle a répondu sur un ton sans réplique : " ils sont de ma famille ! "
 Mais avec son franc parler de fille du peuple, sa verve imagée et gouailleuse, elle dit son mépris des "frérots", ces "cagots hypocrites" qui se tiennent tranquilles maintenant qu'ils ont obtenu tout ce qu'ils voulaient, le pouvoir et l'argent et qui ne font même plus leurs prières maintenant qu'ils se sont servis !
 Les Algériens ont beaucoup souffert de la guerre civile pendant la " décennie noire" des années 1990. 200.000 morts ! Le mari de Djamila, la 2ème des 7 soeurs qui nous a reçus si chaleureusement dans sa maison de la Pointe Pescade, est mort le 31 Août 1995 dans le terrible attentat qui visait la D.G.S.N,  dans l'ancienne caserne Pélissier, en face du Lycée Bugeaud. Caissier à la BNA, il rejoignait son domicile à la Pointe Pescade. A Bab el Oued il ne faisait que passer pour quelques courses. Son ami qui avait préféré emprunter le chemin du Front de Mer, a eu la vie sauve.
 Et Zina de raconter :" A Kouba où ils avaient leur fief, ces "étrangers" terrorisaient les clientes de mon salon de coiffure. A moi ils n'ont jamais rien fait, mais j'avais la peur au ventre. Mes clientes, cibles privilégiées de leurs provocations et agressions, arrivaient en larmes. " Va ! va te protéger, tu es nue. Attend ! tu verras quand on sera au pouvoir, vous serez toutes soumises et avec le hidjab ! " Et elle raconte cette femme gravement blessée par un poteau qu'elle ne pouvait pas voir avec son djilbab alors que son mari marchait devant, sans s'occuper d'elle. Et elle raconte ce vieux barbu vicieux qui vend des sous vêtements féminins, brandit une petite culotte, l'oeil allumé, en jaugeant la femme: " elle vous ira bien cette petite culotte, Madame ! " . Et elle conclut : " la femme? un sexe pour eux ! "

 

 


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