La palmeraie de Messaoud à Ouled Djellal

Que cette enfant garde toujours la tête haute comme ce palmier


Que cette enfant garde toujours la tête haute comme ce palmier.

Dans les rues d'Ouled Djellal.

 Au matin, Medhi, Zina et moi avons  quitté la maison coloniale  pour nous rendre dans la palmeraie de la famille de Messaoud, père de Zina et grand'père de Medhi.
 Dénuement des façades et uniformité des couleurs naturelles d'argile, de sable, de pierre, de boue. Dans les rues sans réels trottoirs que nous traversons, les habitations sont d'un grand dépouillement dans un environnement rude, aride. Seuls les rez de chaussée sont habités.
 Les terrasses et constructions au dessus servent essentiellement à entreposer les régimes de dattes.
  Pas de fenêtres dans la maison traditionnelle de la région. Parfois d'étroites ouvertures comme des meurtrières situées en haut des murs extérieurs servent à la circulation de l'air, au passage de la lumière et à surveiller la rue.
  Les palmiers apparaissent toujours derrière d'épais murs d'enceinte percés de petites portes ou de portes de garages.
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Beaucoup de deux roues dans cette petite ville et de camionnettes pour le transport d'animaux. Les hommes ont renoncé au cheval  et l'artisanat du cuir a disparu avec la sellerie. Le nom de Ouled Djellal aurait un rapport avec la décoration des selles.

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  Khader, un des 2 fils de Messaoud notre ami, nous attendait pour la visite
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Devant le mur d'enceinte en toub de la palmeraie de la famille de Messaoud, Zina à droite. Le sol est couvert de sable et de terre battue rouge argileuse.

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   Zina et son fils Medhi. Sur le mur à droite le tube métallique est une gargouille, mizâba en arabe.  

 
Cette gargouille est bien plus élaborée mais l'usage est le même. Cathédrale de Reims ( XIIIème siècle).
 
Temple de Dendera. Gargouilles à tête de lion en Egypte ancienne. Début de notre ère.

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Superbe mur d'enceinte de la palmeraie de Messaoud, nu, en matériau rustique simple le toub (pisé).  Les murs sont construits   en  briques pleines crues en terre argileuse et sable. Ils sont rarement crépis. Le sol est couvert de cette même terre argileuse.
 Le toub de l'arabe tob est un matériau de construction traditionnel utilisé dans les régions sahariennes.

 

 Toub: bloc d'argile crue et paille séché au soleil en forme de parallelépipède droit coulé dans un moule en bois. Photo prise par ma petite fille Clara C. en randonnée à 4000 m. d'altitude dans les montagnes de l'Atlas du Sud marocain en Septembre 2014.

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La très vieille, modeste, très rustique porte d'entrée avec sa petite plaque.  En bois de palmier, petite, étroite, elle s'ouvre sur la grande palmeraie.

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La plaque en tôle toute petite sur la porte, d'origine probablement, en bois de palmier mort  constitué de matières fibreuses  peu résistantes. On y lit encore le nom  de Messaoud : M'raiagh Messaoud. J'ai  jadis à Alger bien connu cet homme de foi, autodidacte, discret, affable, courageux, travailleur et toujours souriant et sa femme, une énergique et très décidée petite femme mère de 9 enfants. Ils ont séjourné chez moi à Paris alors que Messaoud, un "hadj" revenait d'un pélerinage à la Mecque.

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   Messaoud M'raiag dans la palmeraie années 1980. ( photo transmise par ses enfants).

Une fois franchie cette modeste petite porte je découvre, surprise par le contraste, une très belle et très grande palmeraie.
 
 Khader un des deux fils de Messaoud
nous attendait. Il me servira de guide avec Zina qui a grandi à la Kasbah et dans cette maison.
 
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Khader entre Zina et Medhi, sur la terrasse.
 La palmeraie est immense et les constructions annexes d'une complexité que je n'ai pas encore démêlée. Je reviendrai pour comprendre, je l'espère.

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Un aperçu de la palmeraie depuis une terrasse. On distingue bien, à gauche de l'image, la mizâba vue d'en haut et l'épais muret en toub. Les murs très épais ne laissent passer ni le froid ni la chaleur torride de l'été.

 Et d'abord la partie habitation au rez de chaussée .
  La structure de cette habitation typique est fonctionnelle, conçue pour se protéger de la chaleur de l'été et des froides journées d'hiver.
  La maison est hélas un peu abandonnée depuis la mort de Messaoud. Six pièces vides à la suite de cambriolages répétés autour d'une cour.
Tous les murs sont crépis à la main et les traces de doigt y sont inscrites.


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  Khader me sert de guide, sourit de mon ignorance, de ma surprise et explique.
 
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Dans la cour Medhi. Les 6 pièces sont réparties autour de cette cour.

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Fenêtre intérieure sur la cour. Il n'y a jamais de fenêtre sur l'extérieur.
Sur ces murs crépis des générations de doigts  ont laissé leurs empreintes dans le crépi ocre à base de la même terre d'argile.
J'ai été intriguée aussi par ces tuyaux qui sortaient de tous les murs partout. On m'a expliqué que ces tubes métalliques de 50 cm  à l'extérieur des murs appelés mizâbas sont des gargouilles fixées lors de la construction. Elles évacuent l'eau de pluie des terrasses soit au milieu de la cour soit au milieu de la rue. Ainsi l'eau  est projetée loin des murs pour éviter que le sol meuble ne se creuse au niveau des fondations.

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A l'intérieur :
Une pompe au rez de chaussée de la maison, dans la cour.
Je savais maintenant depuis mes ablutions du matin que l' eau chaude puisée d'un profond sondage situé près de l'ancien aérodrome de la ville alimente naturellement toute la région depuis 1970 mais elle est saumâtre. Et je découvre dans cette palmeraie les complexes systèmes de pompage et les bassins de récupération et refroidissememt de l'eau pour l'irrigation des palmiers.
Le problème de l'eau est crucial dans cette région agricole qui souffre du manque d'eau. La pénurie d'eau met en danger la survie de cet extraordinaire patrimoine.
Jadis, des puits creusés dans chaque maison et chaque jardin fournissait une eau un peu saumâtre mais potable. Plus tard entre 1950 et 1960 l'eau plus saumâtre devint imbuvable et les habitants étaient contraints de l'acheter. Des "transporteurs remplisseurs" assuraient l'approvisionnement en eau potable  puisée à Deifel. Mais avec l'accroissement de la population les châteaux d'eau devinrent insuffisants  et des " hassis" petits puits creusés dans le sable à Deifel ou à Oued Djedai fournissent une eau transportée dans des tonneaux, très douce mais coûteuse.

 J'ai connu à Oran, dans mon enfance ce problème d'eau saumâtre qui contraignait les habitants à acheter l'eau à des transporteurs. Je l'ai raconté dans mes souvenirs.( voir III : A Oran sous Pétain  2 l'eau douce à Oran)
 


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A l'extérieur : une pompe  protégée par une maçonnerie. Des tuyaux courent au sol. Dadi c'est Khader déjà grand- père.
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Dans ces entrepôts 2 fois surélevés de la palmeraie mitoyenne, on distingue bien 3 strates de construction avec des briques différentes.  La base seule est en toub à l'ancienne.
 Les briques de la 3ème strate sont industrielles.

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  Messaoud M'raiag devant le bassin ci-dessous. Années 1980.

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Des tuyaux et des bassins pour récolter l'eau de pluie pour l'irrigation des palmiers.
 
 A l'intérieur de la maison le " hammam " et son plafond de poutres de palmier.

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A l'intérieur de la maison ce bassin qui remplit de nostalgie Zina à l'évocation de la " piscine" d'eau chaude de son enfance et du bonheur des enfants de la retrouver pour les vacances et d'y plonger. Cette pièce étroite servait de hammam.
 Mon intérêt s'est aussi porté sur le plafond, ses vieilles poutres en bois de palmier et la trame de roseaux ou batonnets serrés, alignés entre les poutres dont l'éloignement ne doit pas excéder 50 cm.
 L'utilisation de poutres en palmier, seul bois disponible jadis dans la région pour les plafonds  imposaient des contraintes  qui expliquent l'exiguité des pièces et  leur étroitesse dans toutes les parties anciennes de la maison.
 En effet le bois de palmier mort est  fibreux, peu résistant et la longueur des poutres ne peut pas excéder 3 m. Le plafond ainsi conçu en bois de palmier influence les dimensions de toutes les pièces, la largeur de celles-ci ne pouvant pas dépasser la longueur d'une poutre.
 La construction des plafonds limitée par la faible résistance des madriers en bois de palmier explique aussi la longueur exagérée des pièces par rapport à leur largeur.
 Plus tard, avec les facilités de transport, les poutres proviendront d'arbres divers d'un bois plus résistant et pourront atteindre 4 mètres, comme le toit moderne du garage que nous verrons plus tard, avec son revêtement ondulé en fibre ciment.

 
        Plafonds  du XVIIIème siècle que j'ai photographiés en Touraine à Azay le Rideau  en Août 2014 dans la partie la plus ancienne et la plus rustique de la  propriété privée d'une amie. Elle comporte  des constructions d'époques différentes, essentiellement 2 bâtisses néo-classsique XIXème avec frontons triangulaires mais aussi des "communs" beaucoup plus anciens.
Le principe de ces plafonds est le même : poutres et trame en bâtonnets de bois.

 
 
 Dans la palmeraie, un très grand four dans une pièce qui servait de cuisine.

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Et des "commodités" à l'écart dans le jardin. Installation rustique rudimentaire ancienne comme j'en ai vu aussi ailleurs, en Grèce notamment. Une fenêtre et un trou amènagés. C'est simple,  hygiénique ! Et sur les murs crépis à la main de profondes empreintes de doigts.
 Des W.C. turcs existent aussi  mais  en mauvais état. Ils ont  souffert du temps dans cette maison inhabitée.

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 Nous avons ensuite grimpé un escalier assez raide et un peu périlleux sans rampe vers la terrasse.

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       Zina grimpe la première.

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Une vue de la  terrasse sur la palmeraie voisine et la rue que traversent deux passants,

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  De la terrasse vue plongeante sur la cour.

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 Dans la cour Messaoud années 1980.
 

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Zina devant un local pour les dattes à l'étage.

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Une étroite ouverture dans le local ci-dessus. Des roseaux constituent la trame du plafond entre les poutres. Au mur des clous pour accrocher les régimes de dattes.
 
   Depuis les terrasses vue panoramique sur les  palmeraies.

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Magnifiques palmeraies ! Vite !  A classer au patrimoine pour préservation !

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Je n'ai pas bien identifié cet animal ! Un chat ?
 
  Puis nous redescendons pour quelques photos souvenirs.

 Khader a planté des citronniers. Nous sommes au début du printemps. Certains bourgeonnent et fleurissent déjà.

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Le " Palmier de Hind ", la fille de Zina. A sa naissance, il ya 34 ans, le cordon ombilical a été enterré au pied d'un tout jeune palmier. A ce moment solennel, Messaoud, le grand-père  dit : " Afin que cette enfant garde toujours la tête haute comme ce palmier ".

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Medhi, son frère, retrouve les gestes de son enfance en essayant de grimper le long du stipe du palmier. C'est en grimpant ainsi que de jeunes hommes pollinisent les fleurs d'arbres femelles en agitant les fleurs d'arbres mâles. Ainsi aussi que les régimes de dattes sont cueillis en Octobre sur des palmiers qui peuvent atteindre 30 m. C'est un très dur travail, acrobatique ! Pour des "doigts de lumière" ! ( les deglet nour).

 Décembre 2014 : Rares photos que  m'envoient les enfants de Messaoud M'raiag. Il grimpe  à mains nues et pieds nus sur les stipes du palmier pour la cueillette. Années 1980.

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 Superbes régimes de dattes. Messaoud de son vivant nous en faisait parvenir à Paris tous les ans.

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Nous ressortons par le garage où des régimes de petites dattes finissent de sécher. Les poutres ne sont plus en bois de palmier trop fragile et le garage est vaste. Le toit ondulé est en fibre ciment.

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  Puis nous quittons les palmeraies et je regrette de n'y avoir fait qu'un très bref séjour. " Je te l'avais bien dit ! C'est trop court ! Tu aurais dû rester au moins 15 jours en Algérie! " me dit Zina qui me mène tambour battant ! Reviens pour la cueillette en Novembre !

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  Nous regardons s'éloigner les palmeraies.

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Commentaires

  • Mehdi Arbouche
    • 1. Mehdi Arbouche Le 08/04/2021
    Merci Claude pour ces souvenirs, cela me fait très plaisir de re-découvrir le village de mes grands parents au travers de ton reportage.
    Franchement, un très grand merci de ma part et celle de Zina pour avoir raviver le souvenir de mes grands parents au combien chers à nos cœurs
  • Mourad
    • 2. Mourad Le 16/12/2018
    Mon cher et regretté oncle Messaoud , Une personne rare et unique, un homme ou on ne trouve que de la bonté et la gentillesse, sans oublier Ma chère et regrettée tante aussi qui nous a quitté.
    et salam a Zina et toute la famille
  • aziz aiche
    • 3. aziz aiche Le 27/11/2015
    bravo pour les photos c'est un magnifiques souvenirs avec les parents et comme ca revivre nos village merci beaucoup j'espere que plus
  • cherif
    • 4. cherif Le 12/08/2015
    Salem , tu a beau tourné dans le monde , tu reviendra sur la terre de tes ancetre , ma famille est de tolga , n'oublie pas tes racine courage mon Amis
  • saadane abdel
    • 5. saadane abdel Le 29/07/2015
    merci pour ses belles photos est l'explications c'est vraiment tres jolie ouled-djellal.
  • Mohemed Messi
    • 6. Mohemed Messi Le 23/07/2015
    Belles Photos et beau témoignage claude tu me donne envie de revisiter ma ville natale, Ouled Djellal, j'espère le faire Novembre prochain.
    Le grand Bonjour à tous les djellalis d'outre mer et d'Algérie.
  • M'raiagh Zina
    • 7. M'raiagh Zina Le 25/12/2014
    bravo claude les photos sont magnifiques tous ce que tu as écrit me touche profondément c'est un bel hommage pour mes parents Messaoud aurai été fier de tout cela finalement c'etait une bonne idée de revenir dommage séjour trop court a refaite si dieu le veut merci encore du fond du cœur.
  • Ouled Djellal
    • 8. Ouled Djellal Le 26/10/2014
    Un clic sur le lien et bonne visite.

    plus.Google.com/+OuledDjellal
  • Ouled Djellal
    Merci pour ces beaux souvenirs et félicitations de faire revivre le village de nos ancêtres.
    Bonne continuation.

    Ouled Djellal.

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